Transmission d'assurance-vie : comment éviter les pièges fiscaux

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Un simple retard peut coûter très cher à vos héritiers. L’histoire d’un chèque encaissé trop tard rappelle les règles strictes de l’assurance-vie après 70 ans.
 

C’est une décision passée relativement inaperçue, mais qui fait jurisprudence. En 2022, la Cour de cassation a débouté un retraité qui accusait sa banque d’avoir encaissé un chèque sur son assurance-vie après son 70e anniversaire. Ce retard, selon lui, avait privé ses petits-enfants d’un abattement fiscal substantiel. Mais pour la justice, le préjudice n’était pas personnel. Décryptage d’un cas emblématique… et d’un piège fiscal trop peu connu.
 

Avant ou après 70 ans : deux fiscalités très différentes L’assurance-vie est un outil phare de la transmission patrimoniale. Mais elle change radicalement de régime à l’âge de 70 ans. Les versements effectués avant 70 ans bénéficient d’un abattement de 152 500 euros par bénéficiaire (article 990 I du Code général des impôts). Au-delà de cette date, cet abattement chute drastiquement : 30 500 euros pour l’ensemble des bénéficiaires, quel que soit leur nombre (article 757 B).
 

Dans le cas jugé, le retraité avait bien rédigé son chèque avant ses 70 ans, mais celui-ci n’a été encaissé par la banque qu’après son anniversaire. Résultat : le versement a été fiscalement considéré comme postérieur à ses 70 ans. Conséquence : les petits-enfants bénéficiaires ont perdu le droit à l’abattement de 152 500 euros chacun.
 

La justice tranche : le préjudice est fiscal, mais pas personnel L’assuré a poursuivi la banque, l’accusant d’avoir retardé l’opération. La Cour de cassation a confirmé que le préjudice n’était pas le sien, mais celui des bénéficiaires. "Le paiement des droits de mutation dus à la suite du décès du souscripteur d’un contrat d’assurance-vie étant à la charge des seuls bénéficiaires, il ne peut en résulter aucun préjudice fiscal pour l’assuré", lit-on dans l’arrêt. Ce dernier a été condamné à verser 2 000 euros de frais de procédure.
 

Une vigilance absolue sur les délais Ce cas souligne l’importance capitale de l’anticipation. Déposer un chèque ne garantit rien si la date de réception effective des fonds (l’encaissement) se fait après le seuil des 70 ans. En pratique, il faut prévoir plusieurs jours ouvrés d’avance, éviter les jours fériés, et préférer un virement immédiat (plus traçable). Un simple contretemps bancaire peut transformer une stratégie patrimoniale optimisée en fiscalement coûteuse.
 

Et pour les bénéficiaires ? Les héritiers peuvent se retrouver avec une note fiscale alourdie, sans possibilité de recours. Le fisc considère la date de versement réelle, pas l’intention du souscripteur. Les montants versés après 70 ans sont réintégrés dans l’assiette successorale dès le seuil de 30 500 euros franchi.
 

L’assurance-vie reste un outil redoutablement efficace de transmission, mais uniquement si elle est maniée avec rigueur. La frontière des 70 ans est une vraie ligne rouge. En matière de succession, chaque jour compte — et chaque minute peut coûter cher.